Pourquoi j’ai abandonné Travail Social.

Comme j’ai beaucoup d’estime pour la plupart de mes anciens collègues et enseignants, et que malgré certains désaccords plus ou moins marqués, je les considère pratiquement tous de bonne foi, j’ai décidé d’expliquer dans cette lettre pourquoi je quitte le programme.

Je ne le nierai pas, c’est en grande partie parce-que maintenant ca va être très compliqué de me trouver un emploi dans le domaine puisque j’ai un dossier criminel. J’ai été contraint de plaider coupable à certains crimes que je n’ai pas commis pour ne pas séjourner plusieurs mois en prison en attendant un règlement. Mais peu importe ; ce qui compte, c’est ce qui est inscrit au dossier, la version officielle de l’État.

Ceci étant dit, même avant ma première incarcération, j’éprouvais de nombreuses réserves quant au manque de rigueur intellectuelle au niveau de l’analyse des causes des problèmes sociaux, la complaisance envers l’État pourtant violent et répressif, et le discours moralisateur et légaliste omniprésent.

Premièrement, c’est un fait, depuis la fin des trente glorieuses, on coupe systématiquement dans le «filet social» et les conditions de vie des plus démunis se détériorent. S’improvisant économistes, les gens du milieu attribuent cette problématique à une mauvaise gestion des deniers publiques, et pensent qu’en taxant un peu plus les riches, on va tout régler. Ils oublient complètement les contradictions internes du capitalisme, l’impérialisme, et ce qui fait que dans tout les pays occidentaux le même phénomène s’observe. Pour l’imager, imaginer un bon monsieur, bien naïf, le travailleur social, qui distribue de la nourriture aux gens devant lui, en pigeant dans une pile situé derrière lui, sans se retourner. Pendant ce temps là, un autre gros monsieur, ressemblant étrangement à un porc, représentant l’État capitaliste, pige dans cette pile de denrées, pour en donner à ses amis les patrons. Le monsieur naïf, le travailleur social, finit par s’apercevoir qu’il ne reste plus de denrées, s’exclame : «Eye! C’est pas fin! Pas content! Pas content!» et là, monsieur État, soucieux de vouloir conserver son apparence de bienveillance sort un «plan d’action contre la pauvreté» où il emballe dans cinquante pages de mots qui veulent tout dire, un plan qui concrètement, propose de rationaliser et de réorganiser le peu de ressources disponibles pour en tirer le maximum, sans même aborder le fait qu’il en manque, et encore moins les raisons de ce manque.

Mais surtout, en me faisant répondre ceci : «Je ne suis pas d’accord avec ton interprétation des principes du travail social. En effet, la démocratie vient avec un certain contrôle social et des lois que nous devons respecter. […]Toutefois, pour moi c’est une erreur de parcours.» par une enseignante, j’ai compris que le travail social est imménemment légaliste. Pour moi, qui a passé deux brefs séjours en d’dans, non seulement légalité et moralité font deux, et souvent, des actes sont légaux mais non-légitimes, et vice-versa, mais le système de justice représente une des plus grandes sources de violence dans notre société, l’un des problèmes sociaux les plus préoccupant. Alors passer à côté de cet enjeu, c’est déjà, pour moi, intolérable, mais reconnaître une quelconque légitimité aux lois, c’est soutenir, cautionner et se rendre complice, volontairement ou non, d’une violence systémique insidieuse, quotidienne, étouffante et sans répits, qui brise des vies à chaque arrestation, à chaque verdict prononcé.

Avant et pendant mon parcours, je croyais que le travail social se résumait à mettre des «plasters» sur les bobos. Maintenant, je considère que c’est mettre des «plasters» sur des membres arrachés.

Je vais donc assumer mon refus complet des institutions et me concentrer sur ce à quoi j’excelle : lire, écrire, et lutter, encore et toujours.

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